Tragique souvenir, effroyable pensée ! [1480]
Qui déchire mon âme, et la rend insensée !
Qui trouble mon esprit, confond mon jugement,
Et qui me fait sentir le même embrasement.
Eudoxe brûlée vive ô destin quelle atteinte !
Eudoxe n'être plus que de la cendre éteinte. [1485]
Eudoxe dans le feu, pour signaler sa foi !
Ton Eudoxe brûlée, et pour l'amour de toi !
Ursace peux-tu bien souffrir cette disgrâce ?
Ursace, peux-tu vivre, étant encor Ursace ?
Peux-tu vivre et l'aimer et l'aimer sans mourir, [1490]
L'ayant fait sans te perdre, et sans la secourir ?
Ha lâche, meurs cent fois, meurs cent fois infidèle,
Comme indigne du jour, et plus indigne d'elle.
Tu ne méritais pas de posséder son coeur ;
Tu ne méritais pas d'en être le vainqueur ; [1495]
Ta naissance était basse, et bas est ton courage ;
Tu la vois en danger, tu la vois dans l'orage,
Tu prevois le malheur, qui lui peut arriver,
Et tu la vois périr, quand tu la peux sauver !
Ha perfide, est-ce assez, en veux-tu d'avantage ? [1500]
Il fallait, ou te perdre, ou renverser Carthage ;
Il fallait allumer le feu qu'elle alluma ;
Bref il fallait l'aimer, ainsi qu'elle t'aima.
Il fallait que ta main plus forte et plus hardie,
Donnât une autre fin, à cette tragédie ; [1505]
Il fallait témoigner, qu'un coeur qui se résout,
Quand il est généreux est capable de tout.