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DE L’IMITATION DE L’ESPRIT FRANÇAIS

Fontanges et de madame de Montespan avec un détail qui seroit fatigant quand il s’agiroit d’un événement de la veille. Cette érudition de boudoir, cet attachement opiniâtre à quelques idées reçues, parce qu’on ne sauroit pas trop comment renouveler sa provision en ce genre, tout cela est fastidieux et même nuisible ; car la véritable force d’un pays, c’est son caractère naturel ; et l’imitation des étrangers, sous quelque rapport que ce soit, est un défaut de patriotisme.

Les Français hommes d’esprit, lorsqu’ils voyagent, n’aiment point à rencontrer, parmi les étrangers, l’esprit français, et recherchent surtout les hommes qui réunissent l’originalité nationale à l’originalité individuelle. Les marchandes de modes, en France, envoient aux colonies, dans l’Allemagne et dans le nord, ce qu’elles appellent vulgairement le fonds de boutique ; et cependant elles recherchent avec le plus grand soin les habits nationaux de ces mêmes pays, et les regardent avec raison comme des modèles très-élégants. Ce qui est vrai pour la parure l’est également pour l’esprit. Nous avons une cargaison de madrigaux, de calembours, de vaudevilles, que nous faisons passer à l’étranger, quand on n’en fait plus rien en France ; mais les Français eux-mêmes n’estiment