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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

querelles des rois ! Tu as troublé ma vie, tu m’as entraînée dans les palais des princes, et là j’ai trouvé la séduction et l’erreur. Ah ! ce n’étoit pas moi qui avois voulu ce sort. »

Ce monologue est un chef-d’œuvre de poésie ; un même sentiment ramène naturellement aux mêmes expressions ; et c’est en cela que les vers s’accordent si bien avec les affections de l’âme : car ils transforment en une harmonie délicieuse ce qui pourroit paroître monotone dans le simple langage de la prose. Le trouble de Jeanne d’Arc va toujours croissant. Les honneurs qu’on lui rend, la reconnoissance qu’on lui témoigne, rien ne peut la rassurer, quand elle se sent abandonnée par la main toute-puissante qui l’avoit élevée. Enfin ses funestes pressentiments s’accomplissent, et de quelle manière !

Il faut, pour concevoir l’effet terrible de l’accusation de sorcellerie, se transporter dans les siècles où le soupçon de ce crime mystérieux planoit sur toutes les choses extraordinaires. La croyance au mauvais principe, telle qu’elle existoit alors, supposait la possibilité d’un culte affreux envers l’enfer ; les objets effrayants de la nature en étoient le symbole, et des signes