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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

le tonnerre retentit dans les abîmes, tous les cœurs sentent la force redoutable de la destinée ; mais la foudre enflammée peut partir des hauteurs sans nuages, et le malheur s’approche comme un ennemi rusé au milieu des jours de fête.

N’attache donc point ton cœur à ces biens dont la vie passagère est ornée. Si tu jouis, apprends à perdre, et si la fortune est avec toi, songe à la douleur.

Quand le frère apprend que celle dont il étoit amoureux, et pour laquelle il a tué son frère, est sa sœur, son désespoir n’a point de bornes, et il se résout à mourir. Sa mère veut lui pardonner, sa sœur lui demande de vivre ; mais il se mêle à ses remords un sentiment d’envie qui le rend encore jaloux de celui qui n’est plus.

Ma mère, dit-il, quand le même tombeau renfermera le meurtrier et la victime, quand une même voûte couvrira nos cendres réunies, ta malédiction sera désarmée. Tes pleurs couleront également pour tes deux fils : la mort est un puissant médiateur ! elle éteint les flammes de la colère, elle réconcilie les ennemis,