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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

demande à la terre que la jouissance de la conquérir.

Attila remplit les fonctions de juge dans la place publique, et là il prononce sur les délits portés devant son tribunal d’après un instinct naturel, qui va plus au fond des actions que les lois abstraites dont les décisions sont les mêmes pour tous les cas. Il condamne son ami, coupable de parjure, l’embrasse en pleurant, mais ordonne qu’à l’instant il soit déchiré par des chevaux : l’idée d’une nécessité inflexible le dirige, et sa propre volonté lui paroît à lui-même cette nécessité. Les mouvements de son âme ont une sorte de rapidité et de décision qui exclut toute nuance ; il semble que cette âme se porte comme une force physique irrésistiblement et toute entière dans la direction qu’elle suit. Enfin on amène devant son tribunal un fratricide ; et comme il a tué son frère, il se trouble, et refuse de juger le criminel. Attila, malgré tous ses forfaits, se croyoit chargé d’accomplir la justice divine sur la terre, et, prêt à condamner un homme pour un attentat pareil à celui dont sa propre vie a été souillée, quelque chose qui tient du remords le saisit au fond de l’âme.

Le second acte est une peinture vraiment ad-