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DES ROMANS.

l’étude et de l’attention pour saisir une plaisanterie, il n’y a guère que les Allemands qui consentent à rire à la longue et se donnent autant de peine pour comprendre ce qui les amuse que ce qui les instruit.

Au fond de tout cela l’on trouve une foule d’idées nouvelles, et, si l’on y parvient, l’on s’y enrichit beaucoup ; mais l’auteur a négligé l’empreinte qu’il falloit donner à ces trésors. La gaieté des Français vient de l’esprit de société ; celle des Italiens, de l’imagination ; celle des Anglais, de l’originalité du caractère ; la gaieté des Allemands est philosophique. Ils plaisantent avec les choses et avec les livres plutôt qu’avec leurs semblables. Il y a dans leur tête un chaos de connoissances qu’une imagination indépendante et fantasque combine de mille manières, tantôt originales, tantôt confuses, mais où la vigueur de l’esprit et de l’âme se fait toujours sentir.

L’esprit de J. Paul ressemble souvent à celui de Montagne. Les auteurs français de l’ancien temps ont en général plus de rapport avec les Allemands que les écrivains du siècle de Louis XIV ; car c’est depuis ce temps-là que la littérature française a pris une direction classique.