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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

Paul Richter est souvent sublime dans la partie sérieuse de ses ouvrages ; mais la mélancolie continuelle de son langage ébranle quelquefois jusqu’à la fatigue. Lorsque l’imagination nous balance trop long-temps dans le vague, à la fin les couleurs se confondent à nos regards, les contours s’effacent, et il ne reste de ce qu’on a lu qu’un retentissement au lieu d’un souvenir. La sensibilité de J. Paul touche l’âme, mais ne la fortifie pas assez. La poésie de son style ressemble aux sons de l’harmonica, qui ravissent d’abord et font mal au bout de quelques instants, parce que l’exaltation qu’ils excitent n’a pas d’objet déterminé. L’on donne trop d’avantage aux caractères arides et froids quand on leur présente la sensibilité comme une maladie, tandis que c’est de toutes les facultés morales la plus énergique, puisqu’elle donne le désir et la puissance de se dévouer aux autres.

Parmi les épisodes touchants qui abondent dans les romans de J. Paul, dont le fond n’est presque jamais qu’un assez foible prétexte pour les épisodes, j’en vais citer trois, pris au hasard, pour donner l’idée du reste. Un seigneur anglais devient aveugle par une double cataracte ; il se fait faire l’opération sur un de ses yeux ; on la