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DE LA LITTÉRARURE ET LES ARTS

ou les sons. Si l’on pouvoit se figurer les impressions dont notre âme seroit susceptible, avant qu’elle connût la parole, on concevroit mieux l’effet de la peinture et de la musique.

De tous les musiciens peut-être, celui qui a montré le plus d’esprit dans le talent de marier la musique avec les paroles c’est Mozart. Il fait sentir dans ses opéras, et surtout dans le Festin de Pierre, toutes les gradations des scènes dramatiques ; le chant est plein de gaieté, tandis que l’accompagnement bizarre et fort semble indiquer le sujet fantasque et sombre de la pièce. Cette spirituelle alliance du musicien avec le poëte donne aussi un genre de plaisir, mais un plaisir qui naît de la réflexion, et celui-là n’appartient pas à la sphère merveilleuse des arts.

J’ai entendu à Vienne la Création de Haydn, quatre cents musiciens l’exécutèrent à la fois, c’étoit une digne fête en l’honneur de l’oeuvre qu’elle célébroit ; mais Haydn aussi nuisoit quelquefois à son talent par son esprit même ; à ces paroles du texte Dieu dit que la Lumière soit, et la lumière fut, les instruments jouoient d’avance très-doucement, et se faisoient à peine entendre, puis tout à coup ils partoient tous avec un bruit