Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/129

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terdire à un homme la défense de son honneur, que d’obliger un ministre retiré à supporter en silence, qu’un ministre en place l’accusât de mensonge, en présence de la nation. Il ne falloit pas autant de susceptibilité qu’en avoit M. Necker sur tout ce qui concernoit la considération pour repousser à tout prix une telle offense. L’ambition conseilloit sans doute de se soumettre à la volonté royale ; mais comme l’ambition, de M. Necker étoit la gloire, il fit publier son livre, bien que tout le monde lui dit qu’il s’oxposoit ainsi pour le moins à ne jamais rentrer dans le ministère.

Un soir, dans l’hiver de 1787, deux jours après que la réponse aux attaques de M. de Calonne eut paru, on fit demander mon père dans le salon où nous étions tous rassemblés avec quelques amis ; il sortit et fit appeler d’abord ma mère, et puis moi quelques minutes après, et me dit que M. Le Noir, lieutenant de police, venoit de lui apporter une lettre de cachet qui l’exiloit à quarante lieues de Paris. Je ne saurois peindre l’état où je fus à cette nouvelle ; cet exil me parut un acte de despotisme sans exemple, il s’agissoit de mon père ; dont tous les sentimens nobles et purs m’étoient intimement connus. Je n’avois pas encore l’idée de ce