Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/130

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que c’est qu’un gouvernement, et la conduite de celui de France me paroissoit la plus révoltante de toutes les injustices. Certes, je n’ai point changé à l’égard de l’exil imposé sans jugement ; je pense, et je tâcherai de le prouver, que c’est, parmi les peines cruelles, celle dont on peut le plus facilement abuser. Mais alors les lettres de cachet, comme tant d’autres illégalités, étoient passées en habitude, et le caractère personnel du roi adoucissoit l’abus autant qu’il étoit possible.

L’opinion publique d’ailleurs changeoit les persécutions en triomphe. Tout Paris vint visiter M. Necker pendant les vingt-quatre heures qu’il lui fallut pour faire les préparatifs de son départ. L’archevêque de Toulouse, protégé de la reine, et qui se préparoit à remplacer M. de Calonne, se crut obligé, même par un calcul d’ambition, à se montrer chez un exilé. De toutes parts on s’empressoit d’offrir des habitations à M. Necker ; tous les châteaux, à quarante lieues de Paris, furent mis à sa disposition. Le malheur d’un exil qu’on savoit momentané, ne pouvoit être très-grand, et la compensation étoit superbe. Mais est-ce ainsi qu’un pays peut être gouverné ? Rien n’est si agréable, pendant un certain temps, que le