Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
CORINNE OU L’ITALIE

vous qu’ils sont capables d’amour, ces habitans du midi qui fuient avec tant de soin la peine, et sont si décidés au bonheur ? N’avez-vous pas vu, je le tiens de vous, le mois dernier, au spectacle, un homme qui avait perdu huit jours auparavant sa femme, et une femme qu’il disait aimer. On veut ici se débarrasser, le plus tôt possible, et des morts, et de l’idée de la mort. Les cérémonies des funérailles sont accomplies par les prêtres, comme les soins de l’amour sont observés par les cavaliers servans. Les rites et l’habitude ont tout prescrit d’avance, les regrets et l’enthousiasme n’y sont pour rien. Enfin, et c’est là surtout ce qui détruit l’amour, les hommes n’inspirent aucun genre de respect aux femmes ; elles ne leur savent aucun gré de leur soumission, parce qu’ils n’ont aucune fermeté de caractère, aucune occupation sérieuse dans la vie. Il faut, pour que la nature et l’ordre social se montrent dans toute leur beauté, que l’homme soit le protecteur et la femme protégée, mais que ce protecteur adore la faiblesse qu’il défend, et respecte la divinité sans pouvoir, qui, comme ses dieux Pénates, porte bonheur à sa maison. Ici l’on dirait presque que les femmes sont le sultan et les hommes le sérail.

Les hommes ont la douceur et la souplesse