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CORINNE OU L’ITALIE.

chants les plus purs se réunissaient aux odeurs les plus suaves ; tous les charmes de la nature s’attiraient mutuellement ; mais ce qui est surtout ravissant et inexprimable, c’est la douceur de l’air qu’on respire. Quand on contemple un beau site dans le Nord, le climat qui se fait sentir trouble toujours un peu le plaisir qu’on pourrait goûter. C’est comme un son faux dans un concert, que ces petites sensations de froid et d’humidité qui détournent plus ou moins votre attention de ce que vous voyez ; mais en approchant de Naples, vous éprouvez un bien-être si parfait, une si grande amitié de la nature pour vous, que rien n’altère les sensations agréables qu’elle vous cause. Tous les rapports de l’homme dans nos climats sont avec la société. La nature, dans les pays chauds, met en relation avec les objets extérieurs, et les sentimens s’y répandent doucement au dehors. Ce n’est pas que le midi n’ait aussi sa mélancolie ; dans quels lieux la destinée de l’homme ne produit-elle pas cette impression ! mais il n’y a dans cette mélancolie ni mécontentement, ni anxiété, ni regret. Ailleurs, c’est la vie qui, telle qu’elle est, ne suffit pas aux facultés de l’ame ; ici, ce sont les facultés de l’ame qui ne suffisent pas à la vie, et la surabondance des sensations inspire