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CORINNE OU L’ITALIE.

que si l’on avait mis en question l’honneur ou la probité. M. Maclinson ( c’était son nom ) avait assez de goût pour moi, et ce qu’on disait dans la ville de mon esprit et de mon caractère singulier ne l’inquiétait pas le moins du monde, il y avait tant d’ordre dans sa maison, tout s’y faisait si régulièrement, à la même heure et de la même manière, qu’il était impossible à personne d’y rien changer. Les deux vieilles tantes qui dirigeaient le ménage, les domestiques, les chevaux mêmes n’auraient pas su faire une seule chose différente de la veille, et les meubles qui assistaient à ce genre de vie depuis trois générations se seraient, je crois, déplacés d’eux-mêmes si quelque chose de nouveau leur était apparu. M. Maclinson avait donc raison de ne pas craindre mon arrivée dans ce lieu ; le poids des habitudes y était si fort, que la petite liberté que je me serais donnée aurait pu le désennuyer un quart d’heure par semaine, mais n’aurait jamais eu sûrement une autre conséquence.

C’était un homme bon, incapable de faire de la peine ; mais si cependant je lui avais parlé des chagrins sans nombre qui peuvent tourmenter une ame active et sensible, il m’aurait considérée comme une personne vaporeuse, et m’aurait simplement conseillé de monter à cheval, et de