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CORINNE OU L’ITALIE.

pression trop vive qu’elle avait faite sur lui, et se disait qu’étant condamné à faire tant de mal à son amie, il fallait au moins lui garder cette fidélité de cœur qu’aucun devoir ne lui ordonnait de sacrifier. Il se contenta d’écrire à Lady Edgermond pour lui renouveler ses sollicitations, relativement à l’existence de Corinne ; mais elle refusa constamment de lui répondre à cet égard, et lord Nelvil comprit par ses entretiens avec M. Dickson, l’ami de lady Edgermond, que le seul moyen d’obtenir d’elle ce qu’il désirait serait d’épouser sa fille ; car elle pensait que Corinne pouvait nuire au mariage de sa sœur, si elle reprenait son vrai nom, et si sa famille la reconnaissait. Corinne ne se doutait point encore de l’intérêt que Lucile avait inspiré à lord Nelvil. La destinée lui avait jusqu’alors épargné cette douleur. Jamais cependant elle n’avait été plus digne de lord Nelvil, que dans le moment même où le sort la séparait de lui. Elle avait pris pendant sa maladie, au milieu des négocians simples et honnêtes chez qui elle était, un véritable goût pour les mœurs et les habitudes anglaises. Le petit nombre de personnes qu’elle voyait dans la famille qui l’avait reçue, n’étaient distinguées d’aucune manière, mais possédaient une force de raison et une justesse d’es-