Page:De la Mennais - De la religion, 1826.djvu/313

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pour y découvrir les symptômes d’un désordre profond, et de sinistres preuves de l’affoiblissement de l’esprit social. Isolés déjà par les opinions, les hommes s’isolent, s’il est possible, encore plus par les intérêts. La cupidité est toute l’âme. Qui, aujourd’hui, a une famille, une patrie ? Soi, et puis rien. Les sentiments généreux, l’honneur, la fidélité, le dévouement, tout ce qui faisoit battre le cœur de nos aïeux, émeut-il un moment le nôtre ?

Et c’est que pour se sacrifier il faut croire à quelque chose qui ne soit ni de cette terre, ni de cette vie. Ce que le pauvre paysan apprenoit au pied de l’autel, à supporter en paix la condition humaine, à aimer ses frères, à les servir ; à se dévouer pour son pays, à mourir pour son Dieu, on ne l’apprend ni à la bourse, ni au théâtre, ni dans les antichambres et les salons où les places se distribuent. Calculer, voilà le devoir pour les hommes de ce temps. La conscience étonne et scandalise presque. Tel est le progrès de la corruption, que la servilité lasse déjà la puissance, et que se vendre deviendra bientôt un privilége.

Qu’attendre de la génération qui prend racine dans cette fange ? Enivrée d’elle-même, de ses pensées, de sa force, des désirs vagues qu’elle étend dans un vague avenir, tout ce qui est lui semble un obstacle à l’accomplissement de ses destinées. Une ardente inquiétude l’emporte dans mille routes diverses :