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Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/332

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trois fois, avait fini par être inintelligible et par se réduire à rien ; tout ce qu’elle signifiait pour lui, c’était ce qu’il savait ou croyait savoir, c’est-à-dire que j’étais enceinte, chose qu’il désirait beaucoup qui fût vraie.

Son ignorance fut un baume pour mon âme, et je maudis en moi-même ceux qui le détromperaient jamais. Le voyant désireux de mettre un terme à l’histoire comme ne valant pas la peine qu’on y insistât davantage, je l’arrêtai là, disant que je supposais que le capitaine la tenait de sa femme, et que celle-ci aurait bien pu trouver une autre personne pour en faire l’objet de ses remarques. Cela se passa donc ainsi assez bien avec mon mari, et je me retrouvai en sûreté là où je m’étais crue le plus en péril. Mais j’avais encore deux inquiétudes ; la première était que le capitaine et mon époux ne se rencontrassent de nouveau et ne reprissent la conversation sur le même sujet ; et la seconde, que la remuante et impertinente fille ne revînt ; et si elle revenait, comment l’empêcher de voir Amy ? Question aussi importante que tout le reste ; car si elle avait vu Amy, c’eût été aussi fatal pour moi que si elle avait connu tout.

Pour le premier cas, je savais que le capitaine ne pouvait rester en ville plus d’une semaine ; car son navire étant déjà plein de marchandises avait descendu la rivière, et il ne devait pas tarder à le suivre. Je m’imaginai donc d’entraîner mon mari quelque part en dehors de la ville pour quelques jours, afin qu’il y eût certitude qu’ils ne se rencontreraient pas.

Ma grande préoccupation était de savoir où nous irions. À la fin, je me décidai pour North Hall ; non, lui dis-je, que je voulusse prendre les eaux ; mais je pensais que l’air y était bon et pourrait me faire du bien. Lui, qui faisait tout dans le but de me plaire, accepta aussitôt mon idée, et la voiture fut commandée pour le lendemain matin. Mais comme nous réglions tout cela, il prononça une vilaine parole qui déjouait tous mes plans : il désirait que je voulusse bien attendre jusqu’à l’après-midi, parce qu’il parlerait au capitaine dans la matinée du lendemain, s’il pouvait, et lui donnerait quelques lettres ; il aurait le temps d’y aller et d’être de retour vers midi.