Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/27

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de vivre. La condition moyenne s’accommode le mieux de toutes les vertus et de toutes les jouissances : la paix et l’abondance sont les compagnes d’une fortune médiocre. La tempérance, la modération, la tranquillité, la santé, la société, touts[1] les agréables divertissements et touts[1] les plaisirs désirables sont les bénédictions réservées à ce rang. Par cette voie, les hommes quittent le monde d’une façon douce, et passent doucement et uniment à travers, sans être accablés de travaux des mains ou de l’esprit ; sans être vendus à la vie de servitude pour le pain de chaque jour ; sans être harassés par des perplexités continuelles qui troublent la paix de l’âme et arrachent le corps au repos ; sans être dévorés par les angoisses de l’envie ou la secrète et rongeante convoitise de l’ambition ; au sein d’heureuses circonstances, ils glissent tout mollement à travers la société, et goûtent sensiblement les douceurs de la vie sans les amertumes, ayant le sentiment de leur bonheur et apprenant, par l’expérience journalière, à le connaître plus profondément. »

Ensuite il me pria instamment et de la manière la plus affectueuse de ne pas faire le jeune homme : — « Ne va pas te précipiter, me disait-il, au milieu des maux contre lesquels la nature et ta naissance semblent t’avoir prémuni ; tu n’es pas dans la nécessité d’aller chercher ton pain ; je te veux du bien, je ferai touts[1] mes efforts pour te placer parfaitement dans la position de la vie qu’en ce moment je te recommande. Si tu n’étais pas aise et heureux dans le monde, ce serait par ta destinée ou tout-à-fait par l’erreur qu’il te faut éviter ; je n’en serais en rien responsable, ayant ainsi satisfait à mes devoirs en t’éclairant sur des projets que je sais être ta ruine. En un mot, j’accomplirais franchement mes bonnes promesses

  1. a, b et c Note de Wikisource : Le traducteur justifie cette orthographe dans le 7e  paragraphe de la préface.