Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/177

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désastre n’était pas encore au bout : car, ce soir-là, un vent terrible s’éleva de la mer, et il leur fut impossible de prendre le large. Pour surcroît, la tempête ayant duré toute la nuit, à la marée montante la plupart de leurs pirogues furent entraînées par la houle si avant sur la rive, qu’il aurait fallu bien des efforts pour les remettre à flot. Quelques-unes même furent brisées contre le rivage, ou en s’entre-choquant.

Nos hommes, bien que joyeux de leur victoire, ne prirent cependant que peu de repos cette nuit-là, Mais, après s’être refaits le mieux qu’ils purent, ils résolurent de se porter vers cette partie de l’île où les Sauvages avaient fui, afin de voir dans quel état ils étaient. Ceci les mena nécessairement sur le lieu du combat, où ils trouvèrent plusieurs de ces pauvres créatures qui respiraient encore, mais que rien n’aurait pu sauver. Triste spectacle pour des cœurs généreux ! car un homme vraiment noble, quoique forcé par les lois de la guerre de détruire son ennemi, ne prend point plaisir à ses souffrances.

Tout ordre, du reste, était inutile à cet égard, car les Sauvages que les nôtres avaient à leur service dépêchèrent ces pauvres créatures à coups de haches.

Ils arrivèrent enfin en vue du lieu où les chétifs débris de l’armée indienne étaient rassemblés. Là restait environ une centaine d’hommes, dont la plupart étaient assis à terre, accroupis, la tête entre leurs mains et appuyée sur leurs genoux.

Quand nos gens ne furent plus qu’à deux portées de mousquet des vaincus, le gouverneur espagnol ordonna de tirer deux coups à poudre pour leur donner l’alarme, à dessein de voir par leur contenance ce qu’il avait à en attendre, s’ils étaient encore disposés à combattre ou s’ils étaient démon-