Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

égale sollicitude de son propre salut ; — cet homme zélé et charitable, dis-je, ne put aussi retenir ses larmes ; mais, s’étant remis, il me dit : — « Faites-lui cette seule question : Est-il satisfait qu’il soit trop tard ou en est-il chagrin, et souhaiterait-il qu’il n’en fût pas ainsi. » — Je posai nettement la question à Atkins, et il me répondit avec beaucoup de chaleur : — « Comment un homme pourrait-il trouver sa satisfaction dans une situation qui sûrement doit avoir pour fin la mort éternelle ? Bien loin d’en être satisfait, je pense, au contraire, qu’un jour ou l’autre elle causera ma ruine. »

— « Qu’entendez-vous par là ? » lui dis-je. Et il me répliqua qu’il pensait en venir, ou plus tôt ou plus tard, à se couper la gorge pour mettre fin à ses terreurs.

L’ecclésiastique hocha la tête d’un air profondément pénétré, quand je lui reportai tout cela ; et, s’adressant brusquement à moi, il me dit : — « Si tel est son état, vous pouvez l’assurer qu’il n’est pas trop tard. Le Christ lui donnera repentance. Mais, je vous en prie, ajouta-t-il, expliquez-lui ceci, Que comme l’homme n’est sauvé que par le Christ et le mérite de sa Passion intercédant la miséricorde divine, il n’est jamais trop tard pour rentrer en grâce. Pense-t-il qu’il soit possible à l’homme de pécher au-delà des bornes de la puissance miséricordieuse de Dieu ? Dites-lui, je vous prie, qu’il y a peut-être un temps où, lassée, la grâce divine cesse ses longs efforts, et où Dieu peut refuser de prêter l’oreille ; mais que pour l’homme il n’est jamais trop tard pour implorer merci ; que nous, qui sommes serviteurs du Christ, nous avons pour mission de prêcher le pardon en tout temps, au nom de Jésus-Christ, à touts ceux qui se repentent sincèrement. Donc ce n’est jamais trop tard pour se repentir. »