Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/369

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vous ramener vous et toutes vos marchandises au Bengale, ou partout ailleurs. »

Je lui dis que j’userais de son avis quand nous arriverions dans quelque port où je pourrais trouver un bâtiment pour mon retour ou quelque chaland qui voulût acheter le mien. Il m’assura qu’à Nanking les acquéreurs afflueraient ; que pour m’en revenir une jonque chinoise ferait parfaitement mon affaire ; et qu’il me procurerait des gens qui m’achèteraient l’un et qui me vendraient l’autre.

— « Soit ! senhor, repris-je ; mais comme vous dites que ces messieurs connaissent si bien mon navire, en suivant vos conseils, je pourrai jeter d’honnêtes et braves gens dans un affreux guêpier et peut-être les faire égorger inopinément ; car partout où ces messieurs rencontreront le navire il leur suffira de le reconnaître pour impliquer l’équipage : ainsi d’innocentes créatures seraient surprises et massacrées. » — « Non, non, dit le bon homme, j’aviserai au moyen de prévenir ce malencontre : comme je connais touts ces commandants dont vous parlez et que je les verrai touts quand ils passeront, j’aurai soin de leur exposer la chose sous son vrai jour, et de leur démontrer l’énormité de leur méprise ; je leur dirai que s’il est vrai que les hommes de l’ancien équipage se soient enfuis avec le navire, il est faux pourtant qu’ils se soient faits pirates ; et que ceux qu’ils ont assaillis vers Camboge ne sont pas ceux qui autrefois enlevèrent le navire, mais de braves gens qui l’ont acheté innocemment pour leur commerce : et je suis persuadé qu’ils ajouteront foi à mes paroles, assez du moins pour agir avec plus de discrétion à l’avenir. » — « Bravo, lui dis-je, et voulez-vous leur remettre un message de ma part ? » — « Oui, volontiers, me répondit-il, si vous me le donnez par écrit et signé, afin que je puisse leur prouver qu’il vient de vous,