Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment à mes vœux quand je ne serai plus ?… Réponds-moi, mon enfant.

— Oui, dit enfin Ernest en touchant respectueusement de ses lèvres la main de sa cousine.

— Parmi ces vœux, continua-t-elle, il en est un que je ne t’ai pas encore exprimé, et voici le moment de te le faire connaître. Oui, Ernest, je désire que tu te maries. Tu dois sentir que, sans prescrire de bornes fixes au chagrin, aux regrets qu’il est impossible que tu n’éprouves pas après moi, cependant j’attends de ta raison, de ton courage, de ton amour pour moi enfin, de grands efforts pour en tempérer la violence et la durée. Je te le répète donc : je désire que tu te maries. Il serait fâcheux que toute ta vie ne s’appuyât plus que sur des souvenirs, et je quitterais la mienne avec amertume si je pouvais croire que toute la tendresse que je t’ai montrée pût, dans l’avenir, étouffer l’espérance d’un autre bonheur ! Nous avons passé ensemble le temps des folies de l’adolescence ; il se trouve qu’elles ont rempli, complété ma vie ; c’était là ma destinée. Mais à présent, Ernest, que tu as jeté la gourme de ton cœur, évite les routes détournées et reprends le grand chemin de la vie. Je n’exige de toi ni serment ni promesses, mais, tu m’entends ? je désires que tu te maries.

Elle se tut et laissa tomber sa tête sur son oreiller. Ernest tenant une de ses mains resta assez longtemps lui-même silencieux et immobile. Les dernières paroles de mademoiselle de Liron retentissaient au fond de son cœur, et tout l’avertissait qu’un événement funeste allait bientôt mettre son courage à de rudes épreuves. Les yeux de la malade étaient fermés, sa figure était pâle, et la régularité de sa respiration difficile était souvent interrompue par des plaintes douloureuses. Ernest approcha doucement sa tête de la sienne, elle ouvrit les yeux.

— Comment vous sentez-vous ? lui demanda-t-il.

— Mal, mon ami, répondit-elle, puis elle, ajouta :

— Quelle heure est-il ?

Comme il hésitait à répondre :

— Regardez à la montre.