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Et en parlant ainsi, elle indiquait du côté de la cheminée. Ernest alla voir, et revint sans rien dire.

— Est-ce qu’elle est arrêtée ? demanda assez vivement mademoiselle de Liron.

Le silence d’Ernest ne lui laissa plus de doute.

— Allons, dit-elle comme se parlant à elle-même, et en coupant ses phrases sans suite : c’est un oubli... la voilà arrêtée !... si elle ne fait plus de bruit, c’est qu’alors... c’est que décidément la véritable heure est venue...

Ernest, qui la vit défaillir, l’entoura de ses bras pour l’assujettir sur son oreiller ; puis, effrayé de l’état de faiblesse où elle était tombée, sans la quitter des yeux il s’éloigna un instant d’elle pour aller sonner Mariette. Cette fille ne tarda pas à paraître, et Ernest eut quelque peine à lui faire réprimer les signes de douleur qu’elle donna en apprenant l’état où était sa maîtresse.

— Faites monter votre mari à cheval, lui dit Ernest ; et qu’il le laisse à M. Tilorier à Clermont, pour qu’il vienne ici en toute hâte !

— Mais M. Tilorier est ici, monsieur.

— Comment ?

— Il est arrivé il y a deux heures en disant qu’il passerait la nuit ici ; il est en bas dans la salle, étendu sur deux chaises.

— Dites-lui de monter.

Mariette obéit et rentra bientôt avec le médecin, qui, en effet, bien qu’il ne fût que trop certain que tous les secours de son art seraient inutiles, était venu pour être là auprès d’elle. Il regarda attentivement la malade, approcha son oreille de sa poitrine, lui tâta le pouls, et resta immobile et muet, tandis qn’Ernest et Mariette cherchaient vainement à lire quelque chose dans ses yeux. L’inquiétude d’Ernest s’était tellement accrue par ce silence, qu’il ne put la contenir plus longtemps. Il s’écarta du lit, fit un signe à M. Tilorier, qu’il conduisit dans la partie la plus reculée de la chambre, et là, lui demanda ce qu’il pensait de la malade. Le médecin baissa les yeux, secoua doucement la tête et ne dit mot.