Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/111

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— Mais enfin, que peut-on lui faire ? N’est-il rien que l’on puisse lui donner comme soulagement ?

M. Tilorier tourna nonchalamment la tête vers le guéridon sur lequel étaient plusieurs fioles de médicaments, et après en avoir pris une comme au hasard :

— Tenez, dit-il, faites-lui prendre une cuillerée de ce calmant.

Et il alla se jeter dans un fauteuil pour dérober aux assistants les larmes qui roulaient dans ses yeux.

La nuit fut longue et douloureuse pour tous. Les suffocations de la malade devenaient toujours plus fréquentes, et vers les trois heures du matin, où la parole lui revint par instants, on s’aperçut qu’elle avait du délire. Après avoir consulté Ernest, M. Tilorier sortit et rentra bientôt accompagné du curé de Chamaillères. On fit les prières d’usage autour du lit de mademoiselle de Liron. Tout le monde était à genoux, excepté Ernest, qui, placé derrière l’oreiller de sa cousine, la soutenait presque toujours par-dessous les bras, afin qu’elle put respirer moins douloureusement. Dans de semblables malheurs, rien n’augmente le courage et la résignation comme les soins pénibles et fatigants que l’on est obligé de donner à un mourant qui nous est cher. M. Tilorier et Mariette pleuraient ; mais à mesure que l’instant fatal semblait s’approcher, Ernest rassemblait toutes les facultés de son âme, toutes les forces de son corps, pour aider sa chère mourante à quitter la vie le plus doucement possible. La tête placée entre celle de sa cousine et son épaule, il écoutait, il interrogeait en quelque sorte ses douleurs, et par le balancement de ses bras, il obéissait, tout en les modérant, aux divers mouvements que les vicissitudes du mal lui faisaient prendre. Mademoiselle de Liron ne laissait plus entendre habituellement que des plaintes, et, par instants, des mots sans suite. Les intervalles où son esprit redevenait lucide étaient rares et courts. Une fois, elle mit ses mains sur celles d’Ernest, qu’il tenait croisées sur la poitrine de mademoiselle de Liron pour la soutenir. Comme elle ne pouvait voir la figure de son cousin placé derrière :