Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entièrement banni. Toutefois, un serviteur particulier du pape, le fidèle Pablo, qu’il avait conservé avec lui depuis sa nonciature en Espagne, prit la liasse de papiers des mains de l’autre domestique, frappa doucement à la porte de la chambre de sa sainteté, l’ouvrit, entra le premier, et annonça gravement en déposant les papiers sur une table : « Son excellence dona Olimpia. » La dame entra rapidement, puis l’Espagnol se retira tout aussitôt en refermant la porte sur lui.

Personne n’ignore aujourd’hui que les hommes opulents en Italie, que ceux mêmes qui aux richesses joignent encore l’éclat que donnent un nom et les plus hautes dignités, ont en général peu de goût pour le luxe personnel. La somptuosité de leur suite, la magnificence de leurs palais, le brillant de leurs fêtes, ont surtout pour objet de relever ou de soutenir la gloire de leur maison dans l’esprit du public ; tandis que pour eux-mêmes, et journellement, ils se contentent des appartements les plus petits, les plus simples, et d’une vie frugale dont beaucoup de particuliers dans le reste de l’Europe ne s’arrangeraient qu’assez difficilement. Quant à leurs manières, elles suivent leurs goûts ; et rien n’est si éloigné de toute jactance et de toute affectation que le ton dont ils traitent les affaires les plus graves, et dont en conversant ils abordent les sujets les plus élevés. Ce qui frappe surtout à Rome, c’est le contraste de la majesté, de la grandeur imprimée à tout ce qui est public et extérieur, avec la bonhomie, on pourrait même dire le laisser aller qui règnent dans la vie journalière et intime.

La chambre du pape était sans aucune comparaison la partie la plus modeste de tout le palais Quirinal. Le lit, placé en face de la porte d’entrée, était entouré de grandes tentures formant, à chacune des extrémités, une espèce de cabinet fermé, qui correspondaient chacun avec une petite porte à l’intérieur des appartements. Des tapisseries faites en Flandre couvraient les murs, et outre deux fauteuils à bras, une grande table, et quelques siéges courants, on ne voyait pas d’autres meubles qu’un prie-Dieu surmonté d’un crucifix.

Le pape Innocent X était assis dans l’un des grands fau-