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avait été charmante de fort bonne heure, et elle était très-belle encore à un âge où la plupart des femmes d’Europe et des autres parties du monde ont déjà perdu depuis longtemps toute espèce d’éclat. Sa taille était médiocre, comme il convient à une personne de son sexe. Elle avait de l’aisance et de la dignité dans les mouvements, et malgré quelque peu d’obésité, qui entre forcément dans les conditions de la beauté des femmes quand elles la conservent après l’âge de quarante ans, elle se montrait très-alerte et très-vive quand elle sortait de la majestueuse gravité qui distingue les dames romaines.

La physionomie belle et piquante de dona Olimpia était donc un beau miroir sur lequel le pontife aimait à suivre les plus légères ondulations de la pensée.

« Eh bien, dit-il en se laissant aller sur le dossier de son fauteuil, que se passe-t-il dans notre ville de Rome, et que font les Romains ?

— Les Romains ! ils ne vous épargnent guère ; pas plus que moi, du reste.

— En vérité ! Et que disent-ils de nous ? demanda le pape en accompagnant son interrogation d’un rire assez prolongé.

— Oh ! vous le savez bien... Mais voici une plaisanterie en latin qui s’adresse à moi personnellement. » En parlant ainsi, dona Olimpia se souleva de dessus son siége pour prendre un petit papier de la liasse posée sur la table, et elle le remit au pape, qui se prit à rire de nouveau en le parcourant des yeux[1]. Comme il ouvrait la bouche pour le lire à haute voix, dona Olimpia l’interrompant : « Saint-père, lui dit-elle, vous savez bien que mon éducation a été très-négligée et que je suis restée fort ignorante. Permettez-moi de profiter de ce que je n’ai jamais lu un mot de latin, excepté celui des offices, pour ignorer le mauvais jeu de mots que l’on a fait sur mon nom. J’ai voulu que vous en prissiez connaissance, parce qu’il m’est revenu aux oreilles un bruit

  1. On trouva sur la statue de Pasquin, voisine du palais Panfili, qu’occupait dona Olimpia, ces mots en latin : Olim-pia ; nunc impia.