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jeune de Beauvoir, entra dans les idées du père, dit quelques mots au nonce et à l’abbé Segni, puis annonça lui-même au jeune homme qu’il était désormais engagé auprès de l’ambassadeur de France à Rome, et qu’il se tînt prêt à partir. Le ministre de la régence de France, qui regardait peu à la dépense dans un moment où il chargeait l’abbé Segni de prendre, en passant par Genève, un cadeau destiné à payer le chapeau de cardinal donné à son frère, ajouta à toutes les faveurs qu’il avait accordées à M. de Beauvoir père, une assez forte somme d’argent pour le voyage et le séjour de son fils à Rome. Une lettre écrite tout aussitôt par Mazarin à M. de Valencey, l’avertit de l’arrivée prochaine du jeune de Beauvoir, dont on le priait de faire ce que l’on pourrait, sans oublier de surveiller sa conduite, et de ne pas le laisser manquer d’argent. Quant au départ des deux voyageurs, le nonce en fixa le jour au surlendemain.

La veille, le jeune de Beauvoir et son père se rendirent chez le cardinal-ministre, pour le remercier et prendre congé de lui. Ce soir-là, la cour de Mazarin était nombreuse, et parmi les personnes qui la composaient se trouva M. de Chantelou, maître d’hôtel du roi. Prévenu tout à coup du départ de l’abbé Segni et du jeune de Beauvoir, il avait préparé en hâte sa correspondance pour ses amis de Rome. À cette époque, l’envoi des lettres en pays étrangers ne se faisait pas aussi facilement que de nos jours ; et lorsque quelque voyageur se mettait en route, on saisissait ces occasions pour confier ses missives, sinon à un courrier rapide, au moins à des mains sûres. M. de Chantelou, muni de ses lettres, vint donc chez le cardinal pour les remettre au jeune de Beauvoir, dont il connaissait le père, en donnant pour excuse le départ prompt et prochain des voyageurs, de la liberté qu’il prenait de les interrompre ainsi jusque dans le salon de son éminence : « Je prie monsieur votre fils, dit M. de Chantelou en s’adressant au père de de Beauvoir, de se charger de ces lettres. Quant à celle-ci, ajouta-t-il en en mettant une à part, elle est adressée à M. Poussin, premier peintre du roi, à qui je recommande particulièrement monsieur votre fils. » Le jeune gentilhomme poitevin, étranger aux arts, et à qui le