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innocentes, étranger pendant longtemps aux passions qui ordinairement tourmentent la jeunesse, et n’ayant pas pénétré les desseins de sa mère, Camille s’était laissé faire cardinal par soumission filiale, et sans avoir la conscience qu’il occupait près du saint-siége le poste le plus élevé, la dignité qui donnait le plus de puissance. Le seul avantage auquel il fût sensible, parce que c’était un moyen de satisfaire ses goûts, fut le surcroît considérable de revenus attachés à son titre de cardinal-neveu, dont il usa largement pour hâter l’achèvement de sa villa.

Ce goût avait été jusque-là le seul assez fort, assez constant pour qu’il lui tînt lieu de passion ; et depuis que la construction de son palais s’approchait assez de son terme pour qu’il éveillât l’attention des curieux, le jeune cardinal négligeait toujours plus le Vatican pour faire aux étrangers les honneurs de la nouvelle villa Pamphile. Ce lieu de plaisance était devenu son occupation principale et le centre où toutes ses facultés venaient aboutir. Il y avait bien peu de curieux qui ne fussent pas admis par le cardinal ; et pour peu que l’on fût disposé à l’admiration, on était le bien-venu et le bien reçu.

Vers ce temps, la princesse de Rossano, Cornélia Aldobrandini, veuve depuis quelques mois de Paul Borghèse, vint à Rome. Comme elle ne tarda pas à entendre vanter dans le monde la beauté de la nouvelle villa Pamphile, elle fit demander au cardinal-neveu la permission de la voir et de s’y promener. Camille, enchanté de l’empressement que montrait la princesse à admirer son ouvrage, ne manqua pas de se trouver à son palais pour recevoir son illustre hôtesse et la conduire dans ses jardins.

Quoique veuve, la princesse de Rossano était encore fort jeune, et passait, non sans raison, pour une des plus belles personnes de son temps. En outre, on la citait pour les agréments de son esprit, pour l’élévation de son âme et la régularité de ses mœurs, ce qui n’était pas fort commun en ce temps.

Cette fois, le cardinal Camille s’occupa beaucoup moins de faire ressortir les beautés de sa villa qu’à admirer lui-