Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/184

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cesse au contraire s’accommodant de tout, excepté du retard de ses beaux-frères, qu’elle s’était flattée de trouver arrivés avant elle.

Elle s’étendit sur une chaise longue, où Camille chercha à la maintenir toutes les fois que le plus léger bruit du côté de la porte d’entrée la faisait lever sur son séant. Enfin, cette attente, qui lui parut durer un siècle, cessa lorsque le prince Justiniani entra et s’approcha d’elle. Comme tous ceux qui n’ont pas un fonds d’idées bien riche, le jeune Justiniani prolongea les compliments d’usage au point que madame de Rossano fut obligée d’en arrêter le cours par une assurance très-ferme qu’elle se portait parfaitement bien, et ajoutant d’un ton qui ne l’était pas moins : « Eh bien ! que dit-on ? que se passe-t-il à Rome ? — Les choses les plus étranges et les plus bouffonnes, madame, répondit aussitôt le prince ; croiriez-vous que Maldachini fait fureur à Rome depuis qu’il a reçu le chapeau ? c’est à qui le verra multiplier ses gaucheries habituelles en robe de gala, et tout le monde s’arrache ce pauvre garçon ! Figurez-vous, dit Justiniani à Camille, en voyant que la princesse fronçait le sourcil et ne l’écoutait pas, figurez-vous que le jour où les ambassadeurs des cours étrangères sont venus faire visite, complimenter et remercier dona Olimpia, après la miraculeuse promotion des six derniers cardinaux, Maldachini, en se confondant en témoignages de modestie et en compliments auprès de l’ambassadeur de France, a trouvé moyen, après une suite de révérences, qui avaient passablement réussi, de donner un coup de croupe si furieux dans un candélabre, qu’il a porté involontairement la main au siége de la douleur. Tout le monde a failli éclater de rire, et la chose se serait passée ainsi, sans la présence d’esprit vraiment admirable du marquis de Fontenay, qui, saisissant tout aussitôt le bras de Maldachini, s’est mis en devoir de lui frotter le coude, en lui disant d’un air inquiet : « Éminence, prenez donc garde ! vous avez dû vous faire mal ! » Je n’aime pas les Français, vous le savez, mais je ne saurais dire à quel point je les trouve aimables et galants dans un salon. L’ambassadeur a vraiment tiré toute la société d’un fort mauvais pas, car