Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/196

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de son mari, et lui reparla de tous les événements dont on les avait entretenus la veille. « Mon cher Camille, lui dit-elle, avez-vous réfléchi à la nouvelle position où nous nous trouvons maintenant ? — Qu’y a-t-il de changé pour nous, ma chère amie ? — Vous imaginez bien que je ne prétends pas parler d’un surcroît de fortune dont nous nous passerions à la rigueur, et dont la possession est, après tout, tellement éloignée, qu’elle nous devient à peu près indifférente. Mais ne voyez-vous pas que votre oncle, par ce qu’il vient de faire, laisse percer le désir que vous vous rapprochiez de lui ? — Quoique je ne doute nullement de ce que nous a dit hier le cardinal Sforza, cependant c’est une nouvelle, c’est un fait que nous sommes censés ignorer, et il y aurait de l’indiscrétion, à ce qu’il me semble, à hasarder quelques signes de reconnaissance envers sa sainteté avant qu’elle nous ait fait connaître elle-même ce qu’elle a daigné faire pour nous. — Mon cher Camille, dit la princesse avec quelque peu d’impatience, il est bon, il est convenable sans doute de conserver envers des supérieurs et des parents les égards qui leur sont dus ; mais ce n’est pas cependant une raison suffisante pour se soumettre puérilement à leurs volontés, lorsque par des fantaisies inexplicables, oui, mon cher Camille, des fantaisies inexplicables, répéta avec intention la princesse, ces parents vous exilent, vous arrêtent dans votre carrière, et vous réduisent à courir la campagne le long des murs de Rome, comme nous le faisons depuis deux ans. — Comment !... et que voulez-vous dire ? — Écoutez, Camille : que vous vous soyez conformé bénévolement jusqu’ici aux volontés de dona Olimpia, par respect pour votre oncle, je le conçois, et vous voyez que moi-même j’ai fait tout ce qui a été convenable pour vous aider à supporter une punition que tout le monde trouve plus ridicule encore qu’injuste ; mais la durée de ma complaisance est subordonnée aux événements, et il s’en présente de tels aujourd’hui, que je ne me sens plus le courage de continuer la vie oisive et sans but que nous menons. — Eh quoi ! ma chère, est-ce que le bonheur si doux que nous goûtons depuis notre union cesserait d’en être un pour vous ? s’écria Camille en serrant sa femme dans ses bras. — Que