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trange diatribe qui venait d’être lancée contre dona Olimpia.

« Ma bonne et sainte sœur, dit Innocent en voulant couper court à cet entretien, je suis on ne peut plus reconnaissant envers vous de vos bons conseils ; nous les mettrons à profit, chère sœur... — En vérité, frère ? s’écria dona Agathe avec un transport de joie ; et quand ?

— Aussitôt que notre prudence nous fera juger l’occasion favorable. — Allez ! allez ! dit sœur Agathe en se rapprochant de l’oreille du pape et tout en brandissant sa canne, du courage ! mettez-moi cette femme-là à la porte, et tout le monde vous bénira ! »

Innocent ouvrit un meuble duquel il tira des médailles bénites dont la vue fit aussitôt passer la vieille sœur de son emportement à une joie presque enfantine. Le pontife lui en donna six, pour qu’elle les distribuât à son choix aux sœurs de son couvent, et lui en remit une plus grande en or pour elle-même. Ce petit cadeau, qu’Innocent accompagna de sa bénédiction, tira les larmes des yeux de sœur Agathe, qui, plus légère de tout ce qu’elle avait sur le cœur en entrant, rassurée par les promesses évasives qui lui avaient été faites, et fière surtout de rapporter quelques légères faveurs du saint-père à sa communauté, oublia l’épaule de sainte Françoise, ainsi que sa colère contre dona Olimpia, et s’en alla gaiement et en toute hâte pour distribuer les médailles à ses compagnes.

Comme le pape, tout le monde avait été plus matinal que d’ordinaire en ce jour, et il n’y avait pas trois minutes que sœur Agathe était sortie, lorsque l’un des serviteurs du palais lui remit un billet de la princesse de Rossano. Il était ainsi conçu : « Très-saint-père, que votre sainteté veuille bien recevoir les humbles respects et les excuses de sa servante et sa nièce, qui est arrivée hier soir à Rome sans avoir eu le temps de lui en donner avis ni de lui en demander permission. À la veille de donner un fils à dom Pamphile, car j’espère bien que Dieu me fera la grâce qu’il en soit ainsi, j’ai voulu me rapprocher de tous ceux dont la protection et les soins me deviendront indispensables d’ici à peu de jours. J’ose donc compter en cette occa-