Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/228

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vois ! Ah ! si vous saviez combien je suis malheureux ! — Remettez-vous, saint-père, dit Pancirole, qui sentit le besoin de conserver tout son calme dans une circonstance si grave pour lui ; remettez-vous, et prenez confiance dans le ciel, qui ne manquera pas de vous inspirer de sages et de pieuses pensées. Dites-moi, saint-père, ajouta le ministre, après avoir laissé prendre quelque relâche à son souverain, avez-vous préparé, mûri quelque dessein, quelque résolution ? Consultez-vous bien ; faites-moi part des projets que vous avez pu former, et, puisque vous voulez bien mettre confiance en mes faibles lumières, je vous soumettrai mes avis. »

Comme toutes les âmes timides, Innocent ne voulait pas se rendre responsable du parti qu’il avait à prendre ; et quoique son instinct lui criât ce qu’il avait à faire, il attendait toujours que son ministre lui dictât son devoir. Mais Pancirole, aussi habile que le pape était faible, ne tomba pas dans le piège, et se retranchant au contraire dans son rôle de conseiller, il engagea de nouveau le pape à lui faire part de ses pensées. « Écoutez Dieu et votre cœur, saint-père, lui répétait-il, et transmettez ce qu’ils vous inspirent. — Ce que je voudrais, ce qu’il faudrait faire, Pancirole, est impossible !... n’est-ce pas, Pancirole ?... vous me comprenez ? il faudrait l’éloigner de moi... l’écarter des affaires du gouvernement... s’il était possible de l’exiler ! Mais cela ne se peut, n’est-ce pas, Pancirole ?... Ah ! s’écria enfin Innocent en cédant au besoin de verser des larmes, Olimpia ! Olimpia ! que vous me faites de mal ! »

La figure de Pancirole était tellement impassible, que Dieu seul aura pu surprendre le sourire de soulagement qui éclata au fond de son âme, lorsqu’il entendit sortir enfin le nom d’Olimpia de la bouche du pape. Débarrassé des scènes dramatiques qu’un diplomate ne tolère qu’autant qu’il espère en profiter, il s’apprêta dès cet instant à traiter sérieusement cette affaire, aussitôt que le pontife, soulagé par son aveu, aurait repris du calme et se trouverait mieux disposé pour l’entendre.

« Saint-père, lui dit-il après une assez longue inspection