Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/227

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Seulement il se montrait plus attentif que jamais à expédier les affaires, pour sauver ce genre d’ennui à Innocent, que le travail avait toujours rebuté. Le secrétaire d’état affectait même de mettre plus d’aisance et une sorte de gaieté en se livrant à ces occupations, de manière à faire sentir au pape que l’absence de dona Olimpia, loin de nuire à l’expédition des affaires, la facilitait au contraire. Ce calme et cette régularité, avec lesquels tout s’accomplissait sous la direction de Pancirole, charmaient d’autant plus le pape, qu’involontairement il comparait sans cesse la sage activité de son ministre avec le souvenir de la turbulence féminine de la princesse de Rossano, de sa sœur Agathe et de dona Olimpia.

Quelques jours se passèrent ainsi sans que le pape fît aucune ouverture à Pancirole, qui s’apercevait bien cependant que le saint-père, roulant quelque projet dans sa tête, ne tarderait pas à le consulter. C’était entre les deux vieillards à qui ne prendrait pas l’initiative ; mais en cette occasion comme en beaucoup d’autres, la patience calculée du ministre l’emporta sur les hésitations du souverain. « Pancirole, dit un soir Innocent à son ministre qui se préparait à se retirer, restez ; je veux causer avec vous... mon ami... prenez un siége... Vous vous êtes sans doute aperçu que je suis soucieux depuis quelque temps ? — Et j’en suis sincèrement affecté, saint-père. Je me serais permis de vous en demander la cause si le respect et la discrétion ne m’en eussent empêché. » Le pontife éprouva une agitation nerveuse, et laissa échapper quelques larmes en disant : « Ah ! je suis bien malheureux ! » Pancirole lui prit les mains en le conjurant de s’expliquer. « C’en est fait, Pancirole, dit enfin le pontife dont le cœur débordait, il est impossible que les choses durent ainsi !.... — Qui vous tourmente, saint-père ? — Ces femmes, Pancirole, ces trois femmes qui me poursuivent sans cesse, que je crois voir et entendre le jour et la nuit ; toute ma famille désunie, mon neveu et ma nièce bannis, ce misérable Maldachini, dont l’élévation est pour moi un remords continuel, et enfin je ne sais quelle force qui m’entraîne si loin de la voie que je m’étais tracée ! Ah ! Pancirole, Pancirole, sauvez-moi de l’écueil ; il est là, je le