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de savoir dans quels termes ils étaient ensemble, le cardinal neveu et Pancirole se retirèrent. En descendant l’escalier, le vieux ministre s’arrêtant presque à chaque marche, donnait brièvement des conseils à son jeune compagnon : « Ménagez bien cette femme-là, lui disait-il ; n’ayez pas la maladresse de la pousser jamais à bout, car elle serait méchante comme une tigresse... Laissez-lui toujours de l’espoir, et fermez les yeux sur bien des choses, entendez-vous ? Alors vous réglerez son pouvoir, car il est impossible d’empêcher qu’elle en ait beaucoup. Adieu, mon cher Astalli ; adieu, cardinal Pamphile ! ajouta Pancirole en frappant doucement sur l’épaule du jeune homme. Je vous ai fait demi-pape au moins ! Vous ne m’oublierez point, n’est-il pas vrai ? » Le cardinal neveu baisa respectueusement la main du vieux ministre, car la reconnaissance d’Astalli envers Pancirole était aussi vive que sincère, et, ce qui arrive rarement, elle fut constante.

Comme on le pense bien, la coïncidence de la visite des deux cardinaux chez dona Olimpia ne fut point un effet du hasard. Le secrétaire d’état avait voulu présenter lui-même son élève à sa rivale, afin que, dans le cas où la jeunesse et l’inexpérience d’Astalli auraient rendu dona Olimpia trop dure ou trop hautaine, le ministre eût pu faire sentir aussitôt que, quand bien même Astalli ne serait que le prête-nom du pontife, on ne souffrirait pas que son rang et son autorité, aussi imaginaires qu’ils pussent paraître, fussent méconnus.

Dans cette même journée, pendant laquelle tout ce qu’il y avait de considérable à Rome vint féliciter le neveu au palais Pamphile, Olimpia eut encore la joie d’apprendre par des affidés qu’elle avait commis exprès, que, sauf quelques exceptions, toutes les personnes qui avaient été saluer le nouveau favori d’Innocent s’étaient également présentées chez elle. Bien plus, dans ce concours d’adulateurs d’un pouvoir nouveau, elle avait distingué les témoignages non équivoques de confiance des personnes du plus haut rang, dont les intérêts étaient entre ses mains. Les ambassadeurs d’Espagne et de France, l’envoyé de la république de Gènes, tous les officiers de la maison du pontife, le sous-dataire et une foule de personnes engagées dans des négociations diplomatiques ou des