Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intérêts de commerce, sortant du salon du jeune cardinal, s’étaient empressés de venir prier celle qu’ils considéraient encore comme la véritable souveraine, de ne pas renoncer à les servir ou à les protéger.

Elle régnait donc encore, et bien que sa puissance fût moins sûre, elle ne désespérait pas de la raffermir bientôt. En élevant Astalli, Pancirole avait eu particulièrement le dessein de faire cesser l’influence que dona Olimpia avait usurpée dans les affaires d’état, dans la politique intérieure et extérieure du saint-siége. Il faut dire à la louange de ce ministre, que si quelques vues d’ambition personnelle entraient dans la constance avec laquelle il repoussait sans cesse sa rivale du cercle de la politique, il était justifié d’ailleurs par plusieurs fautes par lesquelles dona Olimpia avait compromis le gouvernement d’Innocent X. L’élévation ridicule, et par conséquent nuisible, des neveux Camille et Maldachini au cardinalat ; la nomination à la même dignité de plusieurs personnes dont les mœurs et la probité étaient loin de justifier le choix ; les promesses faites ordinairement aux ambassadeurs étrangers sans prendre conseil du pape et de ses ministres ; la vente intempestive des grains, l’opiniâtreté avec laquelle cette femme s’était toujours opposée à ce qu’Innocent donnât aucun subside aux Vénitiens qui combattaient avec tant de courage et depuis si longtemps contre les Turcs, toutes ces fausses combinaisons, fondées sur des injustices, avaient effrayé Pancirole, qui en fit prévoir les suites au pape pour le décider au coup d’état qu’il venait de faire.

Il y avait déjà quelques mois que le nouveau cardinal Pamphile remplissait sa charge au gré du pontife et du secrétaire d’état, lorsque les trois voyageurs que nous avons laissés sur la route de Genève au mont Cenis, entraient à Rome. L’abbé Segni et M. de Beauvoir, car ils avaient repris leurs noms en quittant la ville de Calvin, ainsi que le joaillier porteur des bijoux, avaient fait un heureux voyage, quoique les maraudeurs des différentes armées, espagnole et française, stationnées dans la Lombardie et jusqu’aux frontières de la Toscane, ne laissassent pas toujours le passage libre sur les routes. Mais l’abbé Segni, en sa qualité de secrétaire du