Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Olimpia, ce qui imprimait à ses actions et à ses discours un caractère d’indécision et parfois d’étourderie qui le mettait mal avec lui-même et donnait souvent aux autres une idée peu favorable de lui.

C’est ainsi que, pendant son séjour à Genève, on l’a vu tout à la fois protester contre les abus qui se commettaient à Rome et se montrer très-zélé catholique ; maudire dona Olimpia et rougir des satires publiées contre elle ; s’emporter contre la rapacité de cette femme et se charger de lui apporter des bijoux. Car enfin le collier de perles était un petit souvenir du cardinal Mazarin, qui, tout en remerciant de ce que l’on avait déjà fait pour son frère, désirait encore que l’on donnât la pourpre à un prince de la maison d’Est, afin d’augmenter la force du parti français dans le sacré collège. Segni avait été chargé de passer incognito par Genève, avec la double instruction de s’informer exactement de la disposition des esprits en cette ville, relativement à la religion, puis de prendre en passant le joaillier avec le bijou dont les frais devaient être payés à Rome, après qu’on y aurait fait vérifier l’identité et la valeur des objets. Cette affaire, dont Segni ne savait que ce que l’on avait jugé à propos de lui faire connaître, avait déjà été l’objet d’une correspondance de monseigneur Bagni et du cardinal Mazarin avec le sous-dataire Mascambruno, qui, averti de l’envoi du collier, s’était chargé de le recevoir des mains de Segni, de faire acquitter le payement, et de remettre l’objet entre les mains de la personne à qui il était destiné.

Le sous-dataire était donc depuis longtemps aux aguets pour recevoir l’abbé Segni et ses deux compagnons à leur entrée à Rome ; et lorsque ceux-ci arrivèrent, il y avait cinq jours qu’un homme à cheval faisait sentinelle de la porte du Peuple jusqu’à la Storta, pour que les trois voyageurs qui lui étaient désignés ne pénétrassent pas dans la ville sans que Mascambruno n’en fût instruit. Le résultat de toutes ces précautions fut qu’il se trouva à Ponte-Mole deux voitures dont les laquais abordèrent très-poliment les trois voyageurs en priant l’abbé Segni et le joaillier de monter dans l’une, qui leur était envoyée par monseigneur le sous-dataire, tandis