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nonce, avait trouve moyen de se faire escorter toutes les fois qu’il l’avait jugé nécessaire pour la sûreté de leur caravane, hommes et biens.

La conduite de l’abbé Segni à Genève a pu donner lieu de soupçonner la franchise de son caractère ; mais il faut le dire, c’était un de ces hommes comme on en trouve partout, même en Italie, où les instincts bons et mauvais sont peut-être plus prononcés qu’ailleurs. Natif de la marche d’Ancone, Segni avait été élevé dans un séminaire aux dépens de sa famille pauvre, mais espérant retrouver un jour, par l’avancement rapide du jeune homme, les sacrifices qu’elle s’était imposés. Segni n’avait que faiblement répondu aux espérances de ses parents. Ce n’était qu’un honnête homme, un homme d’esprit, mais nullement taillé à la mesure de son siècle, durant lequel toutes les âmes fortes, mais honnêtes, ont été forcées de s’envelopper dans leur vertu pour s’isoler des intrigants et des scélérats habiles qui s’étaient emparés de la vie active. Trop pauvre pour se passer d’emploi, et beaucoup trop probe pour faire une fortune, Segni n’eut pas assez de force d’âme pour prendre un métier qui l’eût rendu indépendant, ou se jeter dans un cloître qui l’eût mis à l’abri de la perversité des hommes de son temps ; il louvoya dans la vie, s’engagea faiblement dans la carrière ecclésiastique, passa son temps à s’occuper de lettres et de sciences sans but arrêté, et se trouva heureux, vers l’âge de trente ans, de faire l’office de secrétaire auprès de monseigneur Bagni, lorsqu’il fut nommé nonce à la cour de France. Ce poste, qui pour tout autre eût pu devenir un commencement de fortune, ne fit qu’augmenter l’indécision de l’abbé Segni, toujours partagé entre le désir de remplir les devoirs qui lui étaient imposés et la répugnance que lui inspirait le plus ordinairement la nature des affaires et des gens auxquels il était mêlé.

Avec une foule de qualités estimables, avec beaucoup d’esprit et une instruction très-variée, l’honnête Segni, secrétaire du nonce à Paris, passait son temps à ramper continuellement dans les labyrinthes diplomatiques qui communiquaient du cabinet du cardinal Mazarin à celui de dona