Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/250

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Mais revenons à notre affaire. Peut-on solder cet homme sans crainte ? — Que dites-vous, excellence ? avec joie, au contraire. » Le sous-dataire ne se le fit pas dire deux fois ; et ayant été chercher Gauthier, qui attendait la sentence du juif avec une anxiété difficile à décrire, il dit d’un air grave au Genevois : « C’est un peu cher, monsieur l’hérétique ; mais nous considérons que la longueur et les dépenses du voyage que vous avez fait méritent récompense. Il ne reste donc plus qu’à vous payer. Voulez-vous des valeurs ou une lettre de change ? c’est à votre choix. Mais décidez-vous promptement, parce que je ne veux pas que vous séjourniez plus longtemps à Rome, où vos sectaires, fort mal vus, sont l’objet des recherches de la sainte inquisition. » Il affecta de répéter plusieurs fois avec emphase ce qu’il savait résonner d’une manière terrible dans les oreilles du juif et de l’hérétique, et pressa plus vivement encore le Genevois de répondre.

Celui-ci n’avait aucune raison de se défier de monseigneur Mascambruno, en sorte qu’il demanda son payement en or. Le sous-dataire, entre les mains de qui ses fonctions faisaient passer fort souvent des sommes énormes, paya le Genevois, puis ordonna à ses affidés de chercher une voiture de poste, dans laquelle on fit monter le joaillier, en sorte que le lendemain le brave artisan était sur le territoire de la Toscane, sans avoir même mis le pied dans une des rues de Rome.

Après s’être fait rembourser la somme au moyen d’une lettre de change qui lui avait été envoyée de France à ce sujet, Mascambruno, dépositaire du collier, voulut faire fructifier ce trésor, tant à son propre profit qu’à celui de sa protectrice, à qui il était destiné. Il fit d’abord un marché avec le juif, qui lui fournit trois perles du même diamètre que les autres, pour remplacer les trois plus grosses qui ornaient le milieu du collier, dont l’israélite lui paya la différence de valeur. Ce droit de commission levé, le sous-dataire alla montrer le bijou à dona Olimpia avec le reçu des trente mille écus, ajoutant que si son excellence daignait suivre ses avis, il ne désespérait pas de donner une bien plus grande valeur encore à ce collier.

La princesse de Saint-Martin, car dona Olimpia portait ce