Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/251

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titre depuis qu’elle avait hérité de son frère André, était particulièrement obsédée en ce moment par les requêtes de plusieurs étrangers, qui comptaient sur son influence pour obtenir ce qu’ils attendaient du pape. C’était entre autres des marchands espagnols qui demandaient de nouveau le droit d’acheter des blés dans les états romains, pour approvisionner les armées de leur nation entretenues dans le royaume de Naples ; c’était l’ambassadeur du grand-duc de Toscane, postulant un second chapeau de cardinal pour la famille Médicis ; puis la république de Venise qui demandait avec instance que l’on rétablît dans la salle pontificale l’inscription en son honneur, que les Barberins avaient fait effacer sous le pontificat d’Urbain VIII ; et enfin les Gênois, qui, malgré leurs prétentions républicaines, entretenaient un envoyé à Rome, pour obtenir de cette cour les attributs et les honneurs de la royauté.

Comme il ne se passait guère de jour sans que ces postulants ne vinssent faire antichambre chez dona Olimpia, qui ne les recevait que le plus rarement possible, et toujours avec humeur, Mascambruno engagea la belle-sœur d’Innocent à ranimer quelque peu leurs espérances en se rendant plus accessible. Dans le temps, on compara cette manœuvre à la chasse aux oiseaux ; et en effet, tandis que dona Olimpia attirait le gibier, Mascambruno tendait le trébuchet où il devait se prendre. Dans la pièce voisine de celle où dona Olimpia donnait ses audiences, était le sous-dataire, ayant l’air de regarder innocemment l’écrin dans lequel le riche collier, artistement arrangé, se trouvait là pour fixer l’attention de ceux qui passaient en sortant. Mascambruno ne manquait pas de les arrêter pour leur demander, avec toutes les apparences de l’intérêt le plus vif, quel avait été le succès de leurs démarches, et par forme de conversation il profitait de la curiosité avec laquelle ils contemplaient l’écrin pour leur faire confidence du regret qu’avait dona Olimpia de ne pouvoir acheter une si riche parure, à cause, disait-il, des dépenses que ses nombreuses aumônes l’avaient forcé de faire. Il refermait aussitôt l’écrin, dans la crainte qu’une autre personne ne le vît, assurant celui à qui il le montrait qu’il était