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pas. La puissance temporelle des pontifes, l’importance des cardinaux, dont le rang égalait presque celui des princes dans les monarchies, l’influence et les richesses énormes du haut clergé dans toute l’Europe, rendirent cette réforme impossible. C’est alors que, reconnaissant l’impuissance des efforts que l’on tenterait pour purifier le clergé, en commençant par la tête, on pensa à faire des expériences curatives in anima vili, c’est-à-dire sur les moines.

Cette invention sortit du cerveau de Fagnani, parvenu depuis quelque temps à la prélature, impatient de se donner l’air d’être utile, et l’un des hommes de son temps qui avait le moins de droit, sans aucun doute, à s’offenser de la conduite des autres. Quoi qu’il en soit, voici quel était l’ensemble de son projet : Après avoir fait observer, ce qui était vrai, que non-seulement dans les villes, mais dans les moindres villages d’Italie, il s’était élevé une foule innombrable de petits couvents dont les revenus ne suffisaient pas à nourrir les religieux qui s’y tenaient ; après avoir fait sentir que cette pauvreté inévitable contraignait ces religieux à vivre des aumônes et des secours de leurs voisins, et que de cette truanderie habituelle résultait l’impossibilité absolue d’observer la discipline religieuse ; enfin après avoir démontré par une foule de tristes expériences, que du vagabondage et de l’inobservance de la discipline chez ces religieux, il résultait les scandales de tous genres les plus révoltants ; monseigneur Fagnani proposait de supprimer et de séculariser tous les petits couvents, à quelque ordre qu’ils appartinssent, dès l’instant qu’il serait constaté que leur revenu ne s’élèverait pas assez pour entretenir au moins huit ou dix religieux. Puis dans le tableau approximatif des résultats, annexé au factum, l’auteur du projet avait présenté avec beaucoup de talent, outre les avantages que le gouvernement du saint-siége pourrait retirer d’une mesure propre à faire tomber tout à coup les clameurs et les critiques dirigées contre le clergé italien, les sommes immenses que cette opération importante ferait rentrer dans les coffres de l’état.

Cette dernière circonstance était si claire, et ses résultats si séduisants, qu’il était inutile d’en parler longuement au