Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/278

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jeter d’avance un coup d’œil sur un projet qui doit vous être présenté dans les conseils. Vous voyez, ajouta dona Olimpia en souriant, que je n’agis ici qu’en qualité de simple particulière qui vous présenterait un placet, ou vous soumettrait humblement l’une de ses idées. Aucun témoin, pas même Pancirole, ne donne d’importance à ma démarche, et personne ne saura rien si vous le désirez. C’est une affaire entre nous deux. »

Dona Olimpia lut alors au pape le projet de Fagnani, où étaient exposés les moyens d’exécution et les avantages qu’en pourraient tirer l’Église et le gouvernement pontifical. Or, voici de quoi il s’agissait : Depuis le quatorzième siècle, les ordres religieux, en attirant à eux une foule de gens incapables de se créer une existence dans le monde, avaient fait multiplier les couvents à l’infini. Bientôt les défauts et les vices résultant de l’aisance et de l’oisiveté s’y étaient introduits et s’étaient accrus à tel point, qu’à l’époque d’Innocent X, non-seulement la discipline ecclésiastique y était fort mal observée, quand on en conservait le simulacre, mais que le dérèglement des mœurs y était parfois porté à son comble. Ce genre de scandale, qui excitait les plus pressantes réclamations en Europe depuis les désordres de la cour d’Alexandre VI, était devenu sous Léon X, lors de l’apparition de Luther, le thème favori de ceux qui s’étaient rangés sous la bannière de cet hérésiarque. Ce genre de satire, loin de s’épuiser, avait pris toujours plus d’accroissement, ainsi que les désordres qui y donnaient lieu. Plus d’une fois, mais toujours en vain, la voix pieuse de catholiques sincères essaya de s’élever contre les scandales sans cesse renaissants. Un instinct secret avertissait ceux qui désiraient cette importante amélioration qu’elle ne pouvait s’opérer dans un but salutaire, que si le haut clergé et les princes de l’Église eux-mêmes donnaient une impulsion nouvelle aux esprits et aux habitudes par l’exemple d’une conduite irréprochable. Ce retour au bien, de la part de ceux qui concouraient au gouvernement de l’Église, était-il possible alors ? c’est ce qu’il est difficile de décider ; mais ce qui est certain, c’est qu’à de rares exceptions près, ils ne l’essayèrent même