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de sa belle-sœur. — Et vous, vous êtes trop méchant ou trop bon ; mais je vous aime comme vous êtes. »

Plusieurs entretiens sur ce sujet, entre Innocent et sa belle-sœur, eurent encore lieu avant que le prélat Fagnani se décidât à aller soumettre son projet au pape et à ses deux conseils favoris. Assuré par dona Olimpia de la faveur avec laquelle ses idées seraient sans doute accueillies, Fagnani ne voulut cependant les faire connaître qu’après avoir étudié d’avance le moyen de les mettre à exécution, afin que l’idée vînt aussitôt au pape et à ses ministres de l’en charger. Aidé dans ses recherches par Rasponi et le sous-dataire Mascambruno, avec lesquels l’ensemble de ce projet avait été combiné, ces trois importants fonctionnaires ne tardèrent pas à se procurer les états circonstanciés du personnel et des revenus de tous les couvents d’Italie. Ce cadastre dressé, Fagnani, avec l’agrément de dona Olimpia, qui dirigeait toute l’affaire et devait en profiter, exposa son projet au pape en présence de Pancirole, du cardinal neveu, de Mascambruno et de Rasponi, par lesquels il fut unanimement approuvé.

La confiance aveugle du pape pour le sous-dataire, ainsi que pour Rasponi et Fagnani, ne laissa pas un instant de doute sur le choix que l’on fit d’eux pour suivre cette importante opération. À peine le pape eut-il lancé la bulle qui frappait les petits couvents, que Rasponi écrivit de la part du pontife dans tous les diocèses, pour donner des instructions aux différents chefs d’ordres, afin d’obéir promptement ; et aux termes de la bulle, il était enjoint aux moines, sous peine d’excommunication, d’abandonner tous les couvents trop pauvres pour entretenir douze religieux ; en outre les évêques étaient chargés non-seulement de faire part de cet ordre aux supérieurs des communautés, mais d’en surveiller rigoureusement l’exécution.

Ce que Rasponi avait prévu arriva. La suppression de plus de deux mille couvents, au nombre desquels les adroits spéculateurs n’avaient pas manqué de comprendre plus des deux tiers de ceux suffisamment riches pour entretenir vingt et même trente moines ; cette suppression, qui frappait comme de la foudre plus de quarante mille religieux, fit