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d’état, tous les efforts de son esprit tendaient à augmenter ses richesses, déjà immenses, pour se tenir prête à ressaisir le pouvoir à temps opportun, donner du poids et de l’importance à sa famille, et se ménager les moyens de conserver l’influence qu’elle avait sous le pontificat de son beau-frère, lorsque arriverait son successeur.

Cette dernière pensée la dominait sans cesse. Malgré la vitalité extraordinaire d’Innocent, le grand nombre de ses années (il avait quatre-vingts ans) et la nature de son infirmité, la pierre, rendaient sa fin un événement auquel on s’attendait de jour en jour. Au moindre malaise qu’éprouvait le pape, les ambitions, les espérances et les craintes étaient mises en jeu, et dona Olimpia, qui éprouvait ces diverses passions à la fois, faisait usage de toutes les ressources de son esprit pour conjurer la tempête qui s’élèverait probablement contre elle à la mort de son beau-frère.

Peu confiante dans l’appui de plusieurs membres du sacré collège dont l’influence n’était pas très-active, elle conçut l’idée de se joindre aux Barberins, qu’elle avait précédemment persécutés. Les cardinaux Antoine et François Barberin étaient successivement rentrés dans une partie de leurs biens ; ils avaient repris une foule de bénéfices qui leur avaient été ravis, et s’étaient enfin rendus utiles au gouvernement pontifical par la longue expérience qu’ils en avaient faite sous leur oncle Urbain VIII. Dona Olimpia, loin de s’opposer à leur rentrée aux affaires, les avait favorisés dans leurs projets, tant en traitant souvent avec eux, qu’en faisant valoir leurs talents et leurs services auprès du pape. Cette politique avait le double objet de contre-balancer l’importance que Pancirole et le cardinal neveu avaient prise à la cour, mais surtout de se préparer dans le sacré collège des partisans prêts à élire un pontife, sinon favorable, au moins indulgent pour dona Olimpia, en cas de vacance du saint-siége.

Cette femme avait présents à la pensée les traitements qu’elle avait fait éprouver aux Barberins ; mieux que personne elle savait avec quelle rigueur on avait séquestré leurs biens, exigé les comptes de toutes les immenses richesses