Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/312

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nouvelles habitudes à celles que de longues années lui avaient rendues indispensables, et par cela même chères. Mais avec cette force indomptable de volonté qui lui était particulière, elle avait refoulé, comme contraire à son idée capitale d’élever, d’illustrer sa famille, tous ces dépits, toutes ces passions auxquels les âmes faibles cèdent si facilement.

Elle se l’était avoué ; il lui fallait un appui, un aide, un homme enfin qui comprît, qui épousât ses intérêts, et en eût un grand lui-même à faire valoir les avantages de son sexe en faveur des projets de dona Olimpia. Depuis longtemps son choix était fixé ; elle avait même déjà fait beaucoup pour ramener dans le cercle de ses idées un homme qu’autrefois elle avait cruellement maltraité, et il ne lui restait plus qu’à s’assurer s’il était possible de le décider à faire cause commune avec elle. Cet homme était le cardinal Antoine Barberin.

Depuis qu’Antoine était rentré en grâce auprès d’Innocent, comme cet important service lui avait été rendu par la princesse de Saint-Martin, la reconnaissance lui eût fait une loi de ne pas l’abandonner dans son exil de la cour, quand bien même un courant d’affaires financières communes entre eux n’eût pas rendu leurs entrevues indispensables. Mais pendant assez longtemps, malgré la franchise de leurs confidences réciproques, il se présentait une question sur laquelle chacun d’eux pensait bien que l’autre voulait parler sans qu’ils pussent se décider à rompre le silence. Enfin, dona Olimpia, qui savait que dans les affaires il y a un point où il ne faut pas demeurer dans l’indécision, résolut de s’éclairer sur les dispositions du cardinal.

Un soir qu’elle avait été prévenue de sa visite, tout en méditant dans son esprit les moyens qu’elle pourrait employer pour toucher la corde sensible qu’elle voulait agiter, poussée par l’instinct naturel à son sexe, dona Olimpia, après avoir fait mettre ordre à sa toilette par Flaminia, demanda à cette femme l’un de ses écrins. N’en ayant désigné aucun, sa camériste lui donna celui qui lui tomba sous la main. Le hasard voulut qu’il contînt la bague que Barberin avait donnée à Olimpia, lorsque, après l’exaltation d’Innocent au trône, le cardinal s’était vu sur le point d’être proscrit et dépouillé