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mais se renfermant avec résignation entre l’humilité de son point de départ et la hauteur relative à laquelle il pouvait arriver, il avait résolu d’acheter de dona Olimpia le chapeau de cardinal à tout prix, et n’ignorait pas qu’en provoquant la ruine du cardinal postiche Astalli, la récompense qu’il désirait lui était assurée ; aussi toutes ses pensées, toutes ses démarches se rattachaient-elles à ce but.

Le gouvernement occulte de dona Olimpia était donc déjà fort : Gualtieri, cardinal de sa façon, était devenu sous-dataire après la mort de Mascambruno ; Fagnani, ainsi que Rasponi, qui devait recevoir un jour le chapeau, maniaient avec le sous-dataire toutes les opérations financières qui résultaient de la vente des bénéfices et des abbayes ; et Azzolini, maître du bureau des brefs, et exerçant par ses propres yeux et par ceux de ses agents subalternes, une infatigable investigation sur les moindres mouvements qui agitaient le monde politique et de la cour, concourait avec les autres à favoriser les projets de dona Olimpia, dont tous ces agents dévoués espéraient des récompenses.

Mais malgré l’activité et les talents de ces ministres cachés, dona Olimpia sentait que pour donner de l’unité et du nerf à leurs efforts, il fallait les diriger vers un but fixe, et que quelqu’un plus puissant qu’eux par sa position et son intelligence donnât l’impulsion à tout ce qu’ils entreprendraient. Malgré la supériorité de ses talents, ou plutôt à cause de cette supériorité même, dona Olimpia, loin de se laisser aller aux séductions de la vanité personnelle, s’avouait franchement ce que sa position avait de faux et de faible. Elle n’ignorait pas que si, comme femme, elle avait osé et fait beaucoup, son sexe était cependant un obstacle insurmontable à l’accomplissement de l’ensemble de ses vastes projets. Sa retraite de la cour du pape, provoquée par les rumeurs de toute l’Europe, avait été un avertissement grave pour elle, et elle s’était avoué qu’il y a un point au delà duquel il n’est pas donné à la femme d’aller sans se perdre. Son orgueil avait été profondément humilié, les affections de son cœur avaient éprouvé des déchirements, et elle avait eu même beaucoup à souffrir pour substituer brusquement de