Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

introduise un troisième ? Cela est tout à fait déraisonnable. — Pas autant que vous le croyez en ce moment, madame ; car si vous réfléchissez à l’union que vous désirez voir établie entre nos deux familles ; si surtout vous portez vos idées dans l’avenir, dans cet avenir assez prochain, comme vous me l’avez dit vous-même, il n’y aura peut-être pas trop de trois cardinaux du nom de Barberin dans le conclave pour obtenir l’appui que la famille Pamphile y cherche, de votre propre aveu. Au surplus, madame, ajouta Antoine, qui désirait que dona Olimpia réfléchît sur ces objections avant d’y répondre, vous allez ce soir faire visite au pape. Je vous laisserai le temps de jouir de cette réunion de famille ; mais si vous le trouvez bon, je vous y rejoindrai sur le tard. Le pape a témoigné le désir de s’entretenir de nouveau avec moi sur des projets importants que je ne lui ai qu’annoncés, et j’espérais toujours que le moment ne tarderait pas d’arriver où je pourrais les lui développer en votre présence. Avec votre agrément, je saisirai cette occasion qui se présente aujourd’hui. — Très-volontiers, cardinal, dit dona Olimpia, qui, en faisant un gracieux salut de la main à Antoine, ajouta : « À ce soir. »

La curiosité, quand elle se combine avec l’espérance, est peut-être ce qui rend l’homme le plus heureux. Aussi, en se quittant, la princesse et le cardinal, sans trop s’en rendre raison, demeurèrent fort satisfaits l’un de l’autre.

Cependant le pape était alors en parfaite santé, et le plaisir qu’il avait eu et qu’il se promettait de revoir dona Olimpia l’avait en quelque sorte rajeuni. Vers le soir, tous les habitants du palais du Vatican se rendirent chez lui comme il était convenu. Le premier qui arriva, mais bien avant les autres, fut don Giovani, fils de la princesse de Rossano.

Ce jeune garçon, âgé de sept ans, était le benjamin du pape, qui le gâtait en sa qualité de grand-oncle, lui donnait ses entrées franches auprès de lui et s’amusait à l’entendre parler. À peine l’enfant eut-il été annoncé par l’huissier que, dans l’impatience d’arriver jusqu’à Innocent, il traîna l’une de ses jambes en sautant sur l’autre, pour escamoter les trois génuflexions d’usage en se présentant devant le pontife.