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sainteté. À sa gauche s’assit la princesse de Rossano, avec l’intention de laisser le siége de droite libre pour sa tante dona Olimpia, qui était attendue. La jeune Justiniani se trouvait à quelque distance de ces dames, cherchant à se rapprocher de son cousin don Juan, dont la gravité inaccoutumée avait fixé son attention. « Vous êtes bien sérieux ce soir ; qu’avez-vous donc, cousin ? lui dit-elle. — Rien. — Est-ce que sa sainteté a eu à se plaindre de vous ? » Mais don Juan ne répondit pas à cette question et se mit à critiquer la toilette de sa cousine, qui cessa de lui parler.

On ne tarda pas à introduire les princes Justiniani et Ludovisi ; et peu après dom Camille, le mari de la princesse de Rossano, entra. Celui-ci avait l’air soucieux : — Qu’avez-vous, dom Camille ? lui demanda le pape. — Du chagrin, saint-père. Je sors à l’instant de chez Algardi ; il a travaillé avec tant d’assiduité à la statue colossale de votre sainteté pour le Capitole, ainsi qu’au tableau destiné au maître-autel de Sainte-Agnèse, qu’il s’est rendu malade ; je suis vraiment inquiet de lui. — Ah ! ce sera drôle, dit don Juan en ayant l’air de s’adresser à sa cousine Olimpia ; le tableau sera fini avant l’église ! » Personne, excepté le pape, ne fit attention à cette remarque ; et pendant que la conversation générale s’engagea sur les décorations de la nouvelle fontaine de la place Navone, sur les quatre fleuves composés par le chevalier Bernin et les travaux de l’église de Sainte-Agnèse, don Juan se replaça auprès de la table sur laquelle il avait déjà joué, rassembla tout ce qu’il trouva de menus objets qui pussent lui servir de matériaux, et recommença à élever sa pyramide, en disant toujours à sa cousine, mais assez haut pour être entendu des assistants. « Vous allez voir ; moi, je vais commencer et finir Sainte-Agnèse tout de suite ! » Le mot ne fut pas perdu pour le pape, qui s’aperçut que le petit drôle lui portant rancune de ce qui s’était passé, mourait d’envie d’en parler. Son inquiétude devenait même assez vive, quand on ouvrit les portes pour annoncer dona Olimpia.

Excepté le pape, tout le monde se leva et fit quelques pas vers elle lorsqu’elle entra suivie de monseigneur Azzolini. Le costume qu’elle portait habituellement était