Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/338

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mes neveux ont été à Venise, d’où ils sont arrivés avant-hier après avoir offert à la république de la part de notre famille douze mille ducats d’or (environ 200,000 fr.) pour subvenir aux dépenses de la guerre contre les Turcs. » Le pape et dona Olimpia, qui avaient toujours eu le grand tort de ne vouloir contribuer en rien à cette guerre sainte et héroïque, se sentirent tant soit peu gênés pour louer l’action du cardinal. Mais celui-ci, insensible à de petits succès de vanité, et poursuivant grandement son idée et ses projets, les remit bientôt à l’aise en disant qu’il avait fait une action de chrétien, il était vrai, mais qu’il regardait en outre ce don comme l’acquit d’une dette, en sa qualité de sujet du saint-siége.

Par bienséance autant que par politique, le cardinal n’ajouta pas que la famille Barberine en avait agi ainsi pour affermir auprès d’un des états les plus puissants de l’Italie son influence renaissante à la cour de Rome ; en sorte qu’Innocent et sa belle-sœur parurent d’autant plus satisfaits des bonnes dispositions de la république, à l’égard du saint-siége, qu’il ne leur en coûtait rien.

« Ainsi, saint-père, reprit bientôt Antoine, que les assistants paraissaient impatients d’entendre parler, Venise se rapproche donc du saint-siége, ce qu’il ne faudra pas oublier lorsque vous recevrez la visite de l’ambassadeur de la république. Quant à la France, une fois le cardinal Mazarin rentré en faveur à la cour, comme nous le fait espérer la nouvelle de monseigneur Azzolini, j’ose pouvoir assez compter sur l’amitié que ce grand homme n’a cessé de me témoigner en toute occasion, pour vous assurer que la France n’entreprendra rien qui puisse être contraire aux intérêts du saint-siége. Mais la couronne dont vous avez eu le plus à vous louer jusqu’ici, l’Espagne, est celle maintenant dont vous devez peut-être le plus vous défier. Outre les reproches déplacés qu’elle se permet à l’égard de vous et des personnes de votre famille, elle ne peut vous pardonner de ne pas lui avoir offert votre secours lorsque la révolution de 1647 éclata à Naples. La cour de l’Escurial a même été jusqu’à supposer que votre gouvernement avait poussé le duc de Guise à partir de Rome pour favoriser les révoltés napolitains contre les