Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

berin et lui demanda par un signe expressif s’il avait pris l’une des précautions indispensables aux grands pour se tirer d’embarras au milieu de la populace de Rome, de l’or ; car pour lui il ne pouvait opposer que son courage et le peu de soldats dont il s’était fait le chef.

Antoine le comprit, et donna plusieurs poignées de monnaies à Azzolini, qui en emplit ses poches. Rassuré par ce subside, le prélat ne craignit plus de prendre un ton impérieux, dur même. « Retirez-vous, misérables ! dit-il, vous qui vous mêlez ainsi à la foule du bon et fidèle peuple romain. Vous vous plaignez de la cherté du pain ? on en baissera le prix. — Plus de gabelles ! plus de gabelles ! s’écrièrent quelques voix en interrompant le prélat. — On les supprimera, répondit Azzolini à la foule, tout en foulant aux pieds de sa mule ceux qui avaient élevé la voix, on les supprimera. Quant à vous, braves et honnêtes Romains, qui respectez l’âge et la dignité de notre saint-père, voilà ce que sa sainteté me charge de vous donner. » En achevant ces mots, il jeta avec force, dans le sens inverse à celui que suivait le cortège, des pièces d’or et d’argent, sur lesquelles la foule rétrogradant se rua avec fureur. « Vive monseigneur Azzolini ! vivent les Barberins ! vive le saint-père ! » commencèrent à crier ceux qui, en avant du cortège, espéraient avoir leur part des libéralités pontificales. Azzolini ne se fut pas plus tôt aperçu que l’impulsion donnée se communiquait rapidement, qu’il devint moins prodigue de l’argent dont il avait peu, et qu’il fallait ménager jusqu’à la place Navone. Il ordonna même à la troupe de se montrer plus sévère contre ceux qui ne laisseraient pas le passage libre ou feraient mine de témoigner du mécontentement. Quelques pièces de monnaie et force coups de manches de hallebardes, distribués avec le genre de discernement qu’exigeait la circonstance, produisirent un effet merveilleux, et pendant le reste du chemin on ne cessa de crier : « Vive le saint-père ! »

Un autre détachement de la garde corse attendait sur la place Navone, près de l’église de Sainte-Agnèse et du palais Pamphile. Là aussi, le peuple assemblé pour l’arrivée du pape avait témoigné assez brutalement son humeur impa-