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tiente en vociférant des chansons injurieuses sous les fenêtres de dona Olimpia. La foule, excitée par cette gaieté féroce, voulait passer des paroles aux actions, et il ne s’agissait de rien moins que de disperser la garde, et d’enfoncer les portes du palais Pamphile pour le piller, lorsque le cortège du pape, précédé par les vivat qu’Azzolini était parvenu à exciter, entra dans la place et fit brusquement changer de ton à la populace mutinée. Par un de ces phénomènes que l’on ne saurait mieux comparer qu’à la propagation instantanée de l’électricité, les mêmes gens qui, cinq minutes avant, criaient contre les gabelles, et maudissaient dona Olimpia et Innocent X, tombèrent à genoux à la vue de la portantine, en attendant avec une espérance passionnée la bénédiction pontificale.

Malgré ce calme passager, l’agitation du peuple était évidente. Le cardinal Antoine ne s’y trompait pas, et Innocent mourait de peur. On se figure aisément quel genre d’attention il porta aux travaux de l’église de Sainte-Agnèse. En vain le Borromini chercha-t-il à lui faire comprendre les changements qu’il prétendait apporter au plan de l’édifice ; le saint-père, distrait et plein d’inquiétude, ne comprit rien, et sitôt qu’il entendait du bruit dans la place, il se retournait vers quelqu’un de ses officiers, qu’il chargeait d’aller voir ce qui se passait. Malgré les retards calculés que le cardinal Barbarin et monseigneur Azzolini mirent à la retraite du saint-père, pour ne pas avoir l’air de se défier du peuple ou de le craindre, il fallut enfin céder à la volonté du pontife, qui mourait d’impatience d’entrer dans le palais Pamphile, où il se figurait qu’il serait désormais en sûreté.

Le peu de distance qui sépare l’église du palais n’empêcha pas qu’on fût obligé d’y transporter Innocent, que la peur et la goutte rendaient impotent.

La porte du palais Pamphile ne fut ouverte qu’au moment même où le pape y entra. Quand le peuple aperçut momentanément l’intérieur de cette habitation, toute sa haine contre dona Olimpia se ralluma, et des huées, des injures obscènes, adressées à cette femme, s’élevèrent du milieu de la place, lorsque Innocent pénétrait sous le portique. Azzo-