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toute la matinée, et sur lequel se reposait agréablement son souvenir jusqu’à la nuit.

Pour le pape et pour elle c’étaient là les moments heureux de la journée ; mais pendant ceux qu’il fallait indispensablement consacrer aux affaires, le rôle d’Innocent était triste, celui de dona Olimpia plus difficile et fort important. Assez souvent les consistoires se tenaient dans la chambre du pape, censé les présider de son lit ; les questions qu’on lui adressait, ou les réponses qu’il avait à faire, étaient transmises par dona Olimpia, qui, modifiant les unes, et maîtresse de dicter les autres, disposait alors à son gré de la puissance souveraine. Attentive aux difficultés que ne manquaient pas d’élever ceux des membres des congrégations qui doutaient de sa fidélité, la princesse, aussitôt qu’une discussion sérieuse allait s’engager, disait le pape plus malade, lui donnait des eaux spiritueuses à respirer, et commandait momentanément un silence qu’elle avait l’art de prolonger assez pour que le fil de la discussion ne pût être repris.

Quant à ceux qui journellement venaient assiéger le palais du pontife pour en obtenir des faveurs et des grâces, c’était à elle qu’on avait ordre de les adresser, et Dieu seul peut savoir les sommes immenses qu’elle fit entrer dans le trésor pontifical et dans ses coffres, pendant les derniers temps de la vie d’Innocent X.

Elle faisait venir assez régulièrement les parents du pape et les siens près du lit du malade ; mais elle comptait leurs paroles, et souvent même dictait d’avance ce qu’ils devaient dire. « Ne fatiguez pas sa sainteté, répétait-elle souvent ; le repos absolu est expressément recommandé par les médecins ; » et elle les poussait hors de la chambre en les faisant marcher sur la pointe du pied pour éviter de faire du bruit.

La princesse de Rossano se présentait chez son oncle plus souvent que les autres. Enhardie par la bienveillance tendre du pontife, elle était moins timide auprès de dona Olimpia, et forçait parfois sa consigne. Elle entra un jour dans la chambre du pape, au moment que sa belle-mère, penchée vers le lit du malade, lui tenait la main. Le sourcil de dona Olimpia se fronça en se voyant ainsi surprise ; mais